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Les Bilatérales III expliquées: Relocalisation et libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE

Les relations de la Suisse avec l’Union européenne (UE) sont étroitement liées, notamment en ce qui concerne la migration et la mobilité de la main-d’œuvre. Depuis des décennies, la Suisse négocie des accords indépendants pour réglementer les mouvements transfrontaliers et préserver la coopération économique avec l’UE, ce qui lui permet d’accéder au marché unique de l’UE sans en être membre à part entière. L’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) est l’un de ces accords, qui favorise les possibilités de relocalisation et d’emploi pour les citoyens de l’UE en Suisse et vice-versa. Avec les Bilatérales III, la Suisse et l’UE cherchent maintenant à affiner et à étendre ces accords pour s’adapter à l’évolution des demandes économiques et sociales, tout en visant une approche plus équilibrée de l’immigration et de l’accès au marché.

Actuellement, les ressortissants de l’UE sont 1,5 million à résider en Suisse, ce qui, selon le Conseil fédéral, représente près de 16 % de la population suisse. En outre, environ 391 000 frontaliers apportent une expertise essentielle aux secteurs de la finance, de la santé, de la recherche et de la technologie en Suisse. Ces flux migratoires ont été cruciaux pour les industries suisses confrontées à des pénuries de main-d’œuvre qualifiée, mais ils posent également des défis en matière d’alignement des politiques nationales sur les normes de l’UE.

Dans cet article, nous abordons les questions clés concernant la migration Suisse-UE et l’évolution du cadre des Bilatérales III.

Qu’est-ce que les Bilatérales III dans les relations Suisse-UE et comment sont-elles apparues?

Les Bilatérales III, également appelées « approche globale », représentent l’étape la plus récente des relations entre la Suisse et l’UE. Elle s’appuie sur les accords sectoriels établis dans le cadre des Bilatérales I et II, qui accordent à la Suisse un accès sélectif au marché unique de l’UE tout en lui permettant de rester en dehors de l’UE. Cette approche globale introduit de nouveaux accords et mécanismes institutionnels pour équilibrer le besoin d’accès au marché de la Suisse et les exigences de l’UE en matière de cohérence réglementaire dans l’ensemble de ses États membres. Les Bilatérales III visent à traiter des questions essentielles telles que la libre circulation des personnes et l’accès au marché du travail, ainsi qu’à s’étendre à d’autres domaines critiques tels que la coopération énergétique, la sécurité alimentaire, la santé et la participation accrue aux programmes de recherche et d’éducation de l’UE tels qu’Horizon Europe et Erasmus.

Développement chronologique des relations bilatérales Suisse-UE:

 

✔ 1992: les électeurs suisses rejettent l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE). Suite à cette décision, la Suisse et l’UE ont commencé à conclure des accords bilatéraux afin de maintenir des liens économiques forts et une coopération transfrontalière.

✔ 1999: Signature d’accords bilatéraux portant sur le commerce, l’aviation civile et la libre circulation des personnes, formant un cadre pour l’accès de la Suisse au marché unique de l’UE.

✔ 2004: Les accords bilatéraux II ont élargi ce cadre, couvrant des domaines tels que la sécurité, l’asile et la coopération environnementale.

✔ 2013: Le Conseil fédéral suisse a adopté un mandat pour négocier des questions institutionnelles avec l’UE, visant à garantir que la Suisse puisse adopter de manière dynamique la législation pertinente de l’UE dans les domaines couverts par les accords bilatéraux.

✔ 2021: Les négociations sur un accord-cadre institutionnel n’aboutissent pas. Il est donc à nouveau nécessaire de mettre en place un paquet de négociations complet pour répondre à l’évolution des besoins des relations entre la Suisse et l’UE.

✔ 2022: Le Conseil fédéral suisse et l’UE entament des discussions exploratoires sur une nouvelle approche globale (Bilatérales III), qui porterait sur l’immigration, la protection des salaires et le rôle de la Suisse dans les nouvelles initiatives de l’UE, telles que l’énergie et la sécurité alimentaire.

✔ Octobre 2023: Un accord commun a été conclu, définissant les objectifs généraux d’une relation Suisse-UE équilibrée qui protège la souveraineté de la Suisse tout en renforçant les liens économiques. Cet accord souligne l’engagement des deux parties en faveur d’un alignement dynamique dans des secteurs spécifiques et introduit le concept de participation de la Suisse à des programmes de l’UE tels que Horizon Europe.

✔ Mars 2024: Le Conseil fédéral suisse émet le mandat de négociation définitif afin d’entamer les négociations bilatérales III officielles. Ce mandat met l’accent sur le respect mutuel de l’autonomie juridique, les mesures relatives à la libre circulation des personnes et les dispositions relatives à l’alignement réglementaire dans des secteurs spécifiques.

Les relations bilatérales III reflètent donc une évolution stratégique des relations entre la Suisse et l’UE, répondant aux besoins économiques des deux pays tout en établissant des lignes directrices pour la libre circulation des citoyens de l’UE en Suisse, renforçant ainsi la stabilité et l’intégration de la Suisse au sein de l’Europe.

Quelles sont les exigences légales actuelles pour les citoyens de l’UE qui s’installent en Suisse?

Les citoyens de l’UE qui s’installent en Suisse bénéficient de l’accord sur la libre circulation des personnes (AFMP), qui reconnaît les qualifications professionnelles des citoyens de l’UE. Leur accès au marché du travail suisse pour les professions réglementées est ainsi simplifié : De plus, l’AFMP accorde aux citoyens de l’UE le droit de vivre et de travailler en Suisse sous certaines conditions. L’AFMP permet aux citoyens de l’UE d’entrer en Suisse sans visa et d’y séjourner jusqu’à 90 jours sans enregistrement s’il s’agit d’un séjour de courte durée. Pour les séjours plus longs, ils doivent toutefois s’enregistrer auprès des autorités suisses de leur commune dans les 14 jours suivant leur arrivée et demander le permis de séjour approprié. Chaque type de permis est assorti d’un ensemble d’exigences correspondant à l’objectif du séjour de la personne. Dans ce cas, les citoyens de l’UE doivent satisfaire à des exigences légales spécifiques basées sur leur statut professionnel ou leur situation financière, comme suit :

  1. Résidence basée sur l’emploi : Les citoyens de l’UE ayant un contrat de travail valide en Suisse peuvent demander un permis de séjour, à condition de remplir les conditions d’obtention d’un permis de séjour de courte durée (L) ou de longue durée (B). Le permis L couvre les séjours d’une durée maximale d’un an pour des missions de courte durée, tandis que le permis B est accordé pour un emploi continu.
  2. Travail indépendant : Les citoyens de l’UE peuvent s’installer en Suisse pour y exercer une activité indépendante, à condition de pouvoir démontrer la viabilité de leur entreprise. Ils doivent prouver leur statut d’indépendant et leur indépendance financière pour obtenir le permis de séjour nécessaire.
  3. Personnes sans emploi : Les citoyens de l’UE qui n’ont pas d’emploi – comme les retraités, les étudiants ou les personnes qui déménagent pour des raisons personnelles – doivent prouver qu’ils disposent de ressources financières suffisantes pour subvenir à leurs besoins et d’une couverture d’assurance maladie complète. Cette exigence vise principalement à garantir qu’ils n’auront pas besoin de l’aide sociale suisse pendant leur séjour.
  4. Regroupement familial : Dans le cadre du programme AFMP, les membres de la famille des citoyens de l’UE résidant légalement en Suisse ont également le droit de les rejoindre. Les membres de la famille éligibles sont les conjoints, les enfants et, dans certains cas, les parents ou les grands-parents à charge. Le résident principal doit être en mesure de soutenir financièrement les membres de sa famille.

Quels sont les points clés de l’accord commun de 2023 et du mandat de négociation définitif de 2024 en matière d’immigration?

Le décrivent les étapes clés de l’évolution du cadre de l’immigration entre la Suisse et l’UE, dans le but de renforcer la coopération tout en répondant aux préoccupations mutuelles. Voici les principaux points concernant l’immigration :

✔ Libre circulation des personnes (FMP) : les deux documents confirment l’objectif d’aligner de manière dynamique les réglementations de la Suisse et de l’UE relatives à la libre circulation des personnes. La Suisse s’engage à adopter la législation pertinente de l’UE avec la flexibilité nécessaire pour mettre en œuvre des exceptions qui respectent les principes constitutionnels suisses et les intérêts nationaux. Cet alignement dynamique garantit l’uniformité de la réglementation tout en tenant compte des structures juridiques et sociales propres à la Suisse.

✔ Résidence fondée sur l’emploi et accès au marché du travail : Le processus d’alignement comprend des dispositions spécifiques visant à faciliter l’accès des citoyens de l’UE au marché du travail suisse tout en respectant les mesures de protection des salaires suisses. La Suisse vise à prévenir l’utilisation abusive des prestations sociales en exigeant des demandeurs d’emploi de l’UE qui sont des résidents suisses qu’ils fassent des efforts actifs pour trouver un emploi et qu’ils respectent les exigences en matière de résidence. Pour les travailleurs détachés, les deux documents soulignent l’engagement de la Suisse à respecter le principe « à travail égal, salaire égal au même endroit », qui garantit des conditions équitables pour les travailleurs temporaires de l’UE.

Garanties contre les abus en matière de sécurité sociale : Les dispositions des deux documents permettent à la Suisse de refuser l’assistance sociale aux citoyens de l’UE économiquement inactifs qui ne disposent pas de ressources financières suffisantes, en particulier pendant leur période de séjour initial. La Suisse conserve le droit d’expulser les citoyens de l’UE sans emploi qui ne satisfont plus aux exigences de résidence, à condition que cette mesure soit appliquée de manière proportionnelle et non discriminatoire. En outre, les demandeurs d’emploi de l’UE en Suisse devront suivre les instructions des offices régionaux de placement (ORP). S’ils ne s’y conforment pas, la Suisse conserve généralement le pouvoir de les expulser afin de garantir le respect des réglementations locales en matière de résidence et d’emploi.

✔ Résidence permanente et résidence de longue durée : Le mandat de négociation 2024 propose des critères normalisés pour l’octroi de permis de séjour de longue durée, tels qu’une période de résidence minimale de cinq ans sur le site , tout en maintenant les exigences en matière d’intégration. Selon le mandat de négociation 2024, le droit de séjour permanent devrait être limité aux personnes qui exercent une activité professionnelle et ne dépendent pas de l’aide sociale, ainsi qu’aux membres de leur famille. Les deux parties ont convenu, dans l’accord commun de 2023, d’un accès non discriminatoire au séjour de longue durée pour les citoyens suisses et de l’UE qui remplissent ces critères.

Ces points soulignent l’engagement commun de la Suisse et de l’UE en faveur d’un contrôle efficace de l’immigration, de normes de travail équitables et d’un respect mutuel des systèmes de protection sociale, reflétant une approche équilibrée de l’alignement réglementaire dynamique des politiques d’immigration.

Quel est l’état actuel des négociations entre la Suisse et l’UE en matière d’immigration et quels changements pourraient avoir un impact sur les politiques d’immigration?

Les négociations sur l’immigration entre la Suisse et l’UE sont actuellement confrontées à un défi majeur en raison de la décision de l’UE de rejeter la proposition de la Suisse concernant une clause de sauvegarde unilatérale sur la libre circulation. Cette clause, proposée par la Suisse, lui permettrait de limiter temporairement l’immigration en réponse à des seuils spécifiques de nouveaux citoyens de l’UE. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait savoir à la présidente de la Confédération suisse, Viola Amherd, le 1er octobre 2024, que l’UE n’accepterait pas une telle disposition, la jugeant incompatible avec les politiques de l’UE en matière d’égalité d’accès au marché unique. L’UE a souligné que la libre circulation est un principe fondamental qui doit être appliqué uniformément dans tous les États membres, y compris dans le cadre d’accords avec des pays non membres de l’UE comme la Suisse.

Les négociations restent actives, les deux parties s’efforçant de parvenir à un accord global d’ici la fin de l’année. Bien que l’UE ait indiqué sa volonté de poursuivre les discussions, tout compromis sur la clause de sauvegarde semble difficile à obtenir. Cette situation pourrait encourager les décideurs politiques suisses à envisager des mesures nationales alternatives qui répondent aux préoccupations en matière d’immigration et de travail sans exiger de concessions de la part de l’UE. Ces alternatives pourraient consister à renforcer les mesures de protection des salaires ou d’autres politiques sociales afin de gérer les impacts potentiels de l’immigration en Suisse.

Quand le nouveau cadre juridique suisse en matière d’immigration sera-t-il mis en œuvre?

Le calendrier de mise en œuvre du nouveau cadre d’immigration suisse dépend des négociations en cours avec l’UE. Le Conseil fédéral suisse et les représentants de l’UE ont pour objectif de finaliser les accords d’ici la fin de l’année 2024, en se concentrant sur un paquet global qui inclut non seulement l’immigration, mais aussi d’autres domaines tels que la protection des salaires et la coopération bilatérale dans des secteurs tels que l’énergie et la recherche. Toutefois, tout accord final devra faire l’objet d’un vote public en Suisse, ce qui repousse la date limite d’application de l’accord à 2028 au plus tôt.

La clause de sauvegarde proposée par la Suisse, qui permettrait un contrôle unilatéral des niveaux d’immigration, reste un point de désaccord important. Alors que les négociations progressent, la Suisse pourrait devoir trouver d’autres solutions pour répondre aux problèmes d’immigration au niveau national si elle ne parvient pas à un compromis avec l’UE.

L’évolution du cadre migratoire entre la Suisse et l’UE, mise en évidence par les Bilatérales III, représente un développement crucial pour les citoyens de l’UE qui envisagent de s’installer en Suisse. Si ces changements ouvrent la voie à de nouvelles opportunités, ils s’accompagnent également d’exigences juridiques complexes qu’il convient de respecter scrupuleusement, qu’il s’agisse d’un déménagement indépendant, de l’arrivée de membres de la famille ou de la gestion d’un emploi transfrontalier.

Chez LINDEMANNLAW, nos experts juridiques sont particulièrement qualifiés, puisqu’ils sont admis aux barreaux de la Suisse et de l’Union européenne, ce qui nous permet de traiter de manière experte les questions qui se situent à l’intersection de ces juridictions. Notre équipe s’engage à veiller à ce que vous compreniez vos droits et vos responsabilités dans ce paysage juridique en évolution, en vous offrant des solutions claires pour les permis de séjour, les réglementations en matière d’emploi et la conformité avec les accords Suisse-UE. Contactez-nous dès aujourd’hui pour obtenir un soutien juridique personnalisé sur tous les aspects de la relocalisation et de la migration en Suisse et dans l’UE.

 

 

 

 

 

 

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