À mesure que les opérations commerciales internationales deviennent plus complexes, les entreprises européennes et suisses sont de plus en plus touchées par les mesures réglementaires mondiales, en particulier les sanctions primaires et secondaires des États-Unis. Ces sanctions peuvent avoir de graves conséquences, notamment des restrictions d’accès au système financier américain, des atteintes à la réputation et des perturbations des activités commerciales internationales. Il est donc essentiel que les entreprises basées en Europe et en Suisse comprennent ce que sont les sanctions primaires et secondaires américaines, comment elles peuvent être affectées et quelles mesures elles peuvent prendre pour assurer leur conformité.
Dans notre dernier article, nous répondons aux questions clés liées à ce sujet, en explorant les risques et les exigences pour les entités européennes et suisses liées aux sanctions primaires et secondaires des États-Unis.
Que sont les sanctions primaires américaines?
Les sanctions primaires américaines s’appliquent généralement aux entreprises et aux personnes non américaines, indépendamment de tout lien direct avec les États-Unis, qui se livrent à certaines activités identifiées par le gouvernement américain comme pouvant faire l’objet de sanctions et d’une inscription sur la liste des “Specially Designated Nationals” (SDN). La liste SDN est gérée par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du département du Trésor des États-Unis, qui a le pouvoir – avec le département d’État des États-Unis, dans certains cas – de placer des personnes et des entreprises sur la liste SDN pour avoir exercé ces activités. Par exemple, en vertu du décret 14024, le gouvernement américain peut désigner des personnes ou des entreprises qui opèrent dans le secteur des services financiers russes ou dans plusieurs autres secteurs, notamment la comptabilité, les fiducies et la constitution de sociétés. Ce pouvoir permet également au gouvernement américain de désigner des personnes qui soutiennent matériellement des acteurs figurant déjà sur la liste des sanctions américaines. Ce type de désignation est souvent qualifié de “dérivé” des sanctions, car il s’avère que l’acteur ciblé soutient une autre partie sanctionnée.
Que sont les sanctions secondaires américaines?
Les sanctions secondaires américaines sont des mesures visant des institutions financières non américaines pour des transactions impliquant certains acteurs sanctionnés, indépendamment de tout lien direct avec les États-Unis. Contrairement aux sanctions primaires, qui s’appliquent aux entreprises et aux individus engagés dans un certain type d’activité (par exemple, opérant dans certains secteurs de l’économie de la Fédération de Russie), les sanctions secondaires visent les institutions financières non américaines simplement parce qu’elles effectuent des transactions avec des parties sanctionnées ou qu’elles effectuent certains types de transactions. Les sanctions secondaires peuvent inclure des mesures qui vont au-delà de la désignation de sanctions complètes, comme le fait pour les États-Unis de couper l’accès aux comptes bancaires correspondants d’une institution financière étrangère, empêchant ainsi l’institution financière d’avoir accès aux dollars américains.
✔ Sanctions secondaires américaines concernant les institutions financières étrangères, c’est-à-dire les banques de l’UE, de la Suisse et du Liechtenstein:
Les sanctions secondaires ne nécessitent pas de lien avec les États-Unis et s’appliquent aux institutions financières non américaines (FFI) engagées dans des transactions jugées contraires aux intérêts de la politique étrangère des États-Unis. Ces sanctions ont un effet dissuasif et découragent les banques étrangères de traiter avec certaines personnes, entités ou secteurs, même si aucune personne ou propriété américaine n’est impliquée. L’Executive Order 14114, qui autorise des sanctions secondaires pour certaines transactions liées à la base militaro-industrielle de la Russie, ainsi que pour des transactions impliquant certaines personnes (américaines) sanctionnées, en est un exemple frappant. Dans ce cas, les sanctions secondaires s’appliquent aux FFI qui effectuent des transactions significatives avec des entités figurant sur la liste des “Specially Designated Nationals” (SDN) conformément à l’E.O. 14024, quel que soit le type de transaction. Comme pour toutes les désignations de sanctions (primaires ou secondaires), les États-Unis n’exigent pas de lien avec les États-Unis pour désigner une FFI comme un SDN.
✔ Sanctions américaines concernant d’autres services professionnels:
Les sanctions américaines s’étendent au-delà des institutions financières étrangères (non américaines) à une variété de services professionnels. Les sanctions primaires de l’OFAC visent désormais la comptabilité, les services de fiducie et de constitution de sociétés, le conseil en gestion, ainsi que les secteurs suivants : architecture, ingénierie, construction, fabrication et transport. Les sanctions peuvent également s’appliquer aux services liés à la technologie, à la défense et au matériel connexe, à l’aérospatiale, à l’électronique, à la marine, aux services financiers, à l’informatique quantique, aux métaux et à l’exploitation minière. Par exemple, l’OFAC a pris des mesures pour cibler les prestataires de services fiduciaires de Suisse, de l’UE et du Liechtenstein, en restreignant leur capacité à s’engager dans des activités commerciales au niveau mondial et en limitant la fourniture de services professionnels susceptibles d’aider les acteurs sanctionnés.
La violation des sanctions américaines peut entraîner l’exclusion du système financier américain, l’impossibilité d’effectuer des transactions en dollars américains et la désignation potentielle de SDN. Cela peut gravement perturber les opérations mondiales et l’accès au marché des entreprises européennes ou suisses, ce qui étend effectivement la portée de la politique américaine. Compte tenu de la portée et de l’influence du système financier américain, les sanctions américaines étendent effectivement les objectifs de la politique américaine au-delà de ses frontières, en obligeant les pays étrangers à se conformer à la loi sans qu’il y ait d’application juridictionnelle directe.
Comment les personnes et les entreprises européennes ou suisses peuvent-elles être ajoutées à la liste de l’OFAC?
Les entreprises européennes et suisses peuvent se retrouver sur la liste de l’OFAC si elles se livrent à des activités qui font l’objet d’une désignation dans le cadre des sanctions américaines. Par exemple, en vertu du décret 14024, l’OFAC est habilité à désigner des acteurs étrangers impliqués dans le secteur des services fiduciaires et de constitution de sociétés de la Fédération de Russie. Cette désignation peut conduire à des sanctions de blocage primaire en tant que ressortissants spécialement désignés (SDN). Il est important de noter que l’OFAC n’a pas besoin de prouver que ces entités aident directement des SDN ; le simple fait d’opérer dans ce secteur constitue une base juridique suffisante pour leur désignation.
Dans une mesure récente, l’OFAC du département du Trésor des États-Unis a désigné deux avocats suisses pour leur rôle dans la création de sociétés et de fiducies qui ont permis à des clients russes de contourner les sanctions. Cette mesure met en lumière une lacune du droit suisse qui permet aux avocats de servir d’intermédiaires non financiers sans obligation de diligence ou de déclaration.
Ces mesures de désignation de sanctions par l’OFAC soulignent la position proactive du gouvernement américain dans la surveillance des activités commerciales internationales, y compris les transactions indirectes avec des entités sanctionnées. Pour toutes les entités ou personnes qui traitent avec des contreparties américaines – ou qui sont situées aux États-Unis – le département du Trésor américain souligne l’importance d’une conformité rigoureuse et de processus de diligence raisonnable pour les entreprises étrangères afin d’éviter des violations involontaires des sanctions américaines.
Quel est l’impact des sanctions primaires et secondaires américaines sur les personnes ou les entreprises européennes ou suisses?
Les entreprises européennes ou suisses placées sur la liste de l’OFAC en raison de sanctions américaines s’exposent à de graves conséquences, notamment:
✘ Perte d’accès au système financier américain:
Les entreprises figurant sur la liste de l’OFAC ne peuvent pas effectuer de transactions en dollars américains ni utiliser le réseau financier américain, qui est essentiel pour les opérations commerciales mondiales. Cet isolement peut perturber le commerce international, les paiements et les investissements.
✘ Perturbations opérationnelles:
L’exclusion des réseaux financiers mondiaux qui s’appuient sur des institutions américaines entraîne d’importants problèmes opérationnels. Il s’agit notamment de difficultés dans les transactions transfrontalières, d’interruptions dans les chaînes d’approvisionnement et de restrictions dans l’accès aux biens et services ayant des composantes américaines.
✘ Atteinte à la réputation:
Le fait de figurer sur la liste de l’OFAC représente un risque élevé pour d’autres entreprises internationales. De nombreuses entreprises appliquent des politiques de conformité strictes afin d’éviter des sanctions secondaires, ce qui peut entraîner la résiliation de contrats et de relations commerciales avec des entités figurant sur la liste. Cet impact sur la réputation peut entraîner des pertes financières à long terme.
✘ Perte d’opportunités commerciales:
Les multinationales évitent souvent de traiter avec des entités figurant sur la liste de l’OFAC afin de protéger leurs intérêts. Les entreprises européennes et suisses figurant sur la liste risquent d’avoir de plus en plus de mal à s’engager dans de nouveaux partenariats, car les partenaires potentiels peuvent chercher à éviter tout risque de sanctions américaines liées à la fourniture d’un soutien matériel à des parties sanctionnées.
✘ Accès restreint au marché:
Les entités figurant sur la liste de l’OFAC sont généralement exclues du marché américain, ce qui limite leur accès aux biens, services et technologies d’origine américaine. Cela peut nuire à la compétitivité, en particulier dans les secteurs qui dépendent de la technologie ou de la propriété intellectuelle américaine.
✘ Exigences en matière d’atténuation:
Pour éviter ces conséquences, les entreprises doivent adopter des programmes de conformité solides et faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer qu’elles ne s’engagent pas par inadvertance dans des activités susceptibles de déclencher des sanctions américaines. Cela implique un contrôle permanent des transactions et des relations d’affaires afin de détecter toute exposition potentielle à des entités sanctionnées.
Une entreprise ou une personne peut-elle être retirée de la liste des sanctions américaines?
Il est possible d’être retiré de la liste des sanctions américaines, bien que cela soit rare et nécessite généralement des efforts considérables pour démontrer un changement de circonstances ou le respect de la réglementation américaine. Par exemple, un cas récent concernait un homme d’affaires suisse qui avait été initialement sanctionné en raison de liens présumés avec des entités soutenant des activités russes contraires à la politique des États-Unis. Après 18 mois sur la liste, il a finalement été radié.
L’homme d’affaires y est parvenu en s’engageant dans des efforts juridiques et diplomatiques pour prouver son cas. Les autorités américaines ont examiné sa situation et il a finalement été déterminé que les raisons des sanctions ne s’appliquaient plus. Son retrait de la liste des sanctions suggère que les États-Unis peuvent envisager de lever les sanctions lorsque des personnes ou des entreprises peuvent effectivement démontrer qu’elles ne sont plus impliquées dans des activités interdites, ou lorsqu’il y a un changement significatif dans le contexte de la sanction initiale.
Cet exemple montre que le retrait de la liste n’est pas simple et qu’il implique généralement un processus de négociation, d’argumentation juridique et de fourniture de preuves du respect des règles ou d’un changement de comportement. Cependant, il montre également que, dans de bonnes circonstances et avec une approche correcte, il est possible pour des personnes ou des entités européennes ou suisses d’être retirées des sanctions américaines.
Compte tenu de la complexité et de l’évolution constante du paysage des sanctions américaines, il est essentiel pour les entreprises européennes et suisses de bien comprendre les risques et de mettre en œuvre des stratégies de conformité complètes. Chez LINDEMANNLAW, notre équipe d’experts juridiques, y compris des avocats américains, est particulièrement qualifiée pour aider les clients à faire face à la complexité des réglementations américaines en matière de sanctions. Nous fournissons des conseils stratégiques sur mesure pour soutenir vos activités commerciales, réduire l’exposition aux risques et garantir le respect des politiques américaines.
Si votre entreprise est à la recherche de conseils d’experts sur la conformité aux sanctions américaines et l’atténuation des risques, la compréhension des réglementations de l’OFAC ou l’évaluation de votre cadre de conformité actuel, nous vous invitons à nous contacter pour planifier une consultation. LINDEMANNLAW est prêt à protéger vos intérêts commerciaux et à soutenir vos opérations mondiales en conformité avec le droit américain.
Avis de non-responsabilité:
Les stratégies et les informations fournies ici le sont à titre d’information générale uniquement et ne constituent pas un conseil juridique. Les entreprises doivent consulter un avocat qualifié de LINDEMANNLAW pour obtenir des conseils juridiques adaptés à leur situation personnelle et pour s’assurer qu’elles respectent les lois et réglementations en vigueur.